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Chroniques de Gradlon
6 décembre 2006

Une autre étape de franchie

Bien qu'il ne me reste que trois cours à ma session, ce n'est pas de mes études universitaires dont je veux parler quand je parle d'une autre étape de franchie. En fait, c'est de ma grand-maman dont j'ai besoin de parler, et pour les mêmes raisons que j'ai parlé d'elle dans un billet précédent.

Ma chère grand-maman souffre de la maladie de l'Alzheimer, une dégénérescence qui suit des étapes bien précises, que les spécialistes (ce peut être autant un gérontologue qu'un infirmier ou un travailleur social) utilisent pour jauger le stade de la maladie. Je savais qu'un jour, c'était la paranoïa qui la guettait et que c'était les personnes les plus proches d'elles qui «en paieraient le prix», si je peux m'exprimer ainsi.

C'est fait. Cela a commencé doucement, alors qu'elle accusait son fils de lui avoir volé la totalité du montant de la vente de sa maison, qu'il avait conclue lui-même. La vérité, c'est que mon oncle lui a déjà donné 75% dudit montant et qu'elle l'a dilapidé en l'espace de deux ans, à travers beaucoup de restaurant, beaucoup de magasinage, beaucoup de cadeaux non désirés et, surtout, à travers le remboursement de ces dettes colossales. Les 25% restant ont servi pour l'hypothèque de la maison. Entretemps, mon oncle a connu des difficultés qui l'ont empêché de rembourser les 25% aussi rapidement qu'il, ou qu'elle, l'aurait souhaité.

Mais là, c'est à mon tour d'être un voleur. La semaine dernière, j'avais des commissions à faire et, pour lui faire plaisir, j'ai décidé de l'emmener avec moi. D'abord, je devais passer à la banque et ma grand-mère en a profité pour faire changer ses rouleaux de 10¢. Par automatisme, elle m'a remise ses rouleaux afin que je les change au moment où je faisais ma propre transaction. Elle m'a donné 3 rouleaux, pour un total de 15$, que je lui ai remis aussitôt que la caissière avait changé les rouleaux. Or, ma grand-mère est certaine qu'elle m'avait donné 4 rouleaux (20$), et que je lui ai volé 5$. Elle avait commencé à m'accuser à l'intérieur même de la banque, devant la caissière. Exaspéré, j'ai vidé mes poches sur le comptoir pour lui montrer que je n'avais pas le quatrième rouleau. Mais rien à faire. Aujourd'hui encore, elle croit que je lui ai volé son rouleau de 10¢. J'ai espéré pouvoir le trouver chez elle, où encore dans ma voiture au cas où elle l'aurait échappé, mais sans succès. Elle n'avait réellement que 3 rouleaux.

Elle croit également que j'ai sa carte bancaire.

Mercredi dernier, elle téléphone à ma mère pour lui dire qu'elle venait de trouver sa carte dans le fond de sa sacoche. Elle l'avait égarée quelques jours avant et accusait ma mère de l'avoir. Entre ce mercredi-là et le vendredi où je suis sorti avec elle, je ne l'ai pas rencontré. Dès la première commission, la fameuse banque, elle cherche sa carte dans sa sacoche, mais ne la trouve point. Elle me demande si je l'ai et je lui répondu que non. Jusque là, aucune crise. Elle me demande d'appeler ma mère pour lui demande si elle l'a, ce que je fais volontier. Ma mère ne l'a pas non plus. À ce moment, ma grand-maman ne paranoïe pas encore, mais elle est désemparée, car elle ne comprend pas où sa carte peut être.

Tout le long de la journée, ce n'est qu'à propos du rouleau de 10¢ qu'elle m'irritera. Mais pour le souper, on va rejoindre ma mère et c'est là qu'elle commence à m'accuser de lui avoir volé son 4e rouleau et prétend que j'ai sa carte. Pas volée, mais en ma possession. Ma mère aura beau lui expliquer que je n'ai pas sa carte, elle ne veut rien savoir. Elle croit fermement que j'ai sa carte bancaire en ma possession. Tous les jours depuis vendredi dernier, elle nous téléphone avec la seule idée en tête de me faire lui remettre sa carte, et à tout coup, nous lui répétons que je ne l'ai pas. Dans sa logique à elle, nous la traitons de menteuse et je suis en train de la voler.

C'est très déstabilisant de vivre ça. Je viens bien comprendre qu'elle est malade et qu'elle souffre davantage que nous de cette situation (après tout, elle se croit fermement entourée d'hypocrite et de voleur), mais c'est très difficile pour l'honneur d'encaisser de telles fausses accusations. C'est difficile pour moi, qui ai souvent pris sa défense devant ma mère, qui lui ai rendu de multiples services et qui a toujours été honnête avec elle. Ce qui est dur à prendre, aussi, c'est la conclusion qui en découle. Non seulement a-t-elle régressé dans sa maladie, mais je ne pourrai plus sortir seul avec elle. Je ne pourrai plus faire une activité aussi banale qu'aller au cinéma avec elle, même si je prends toutes les précautions nécessaires. Sa maladie veut qu'elle se construise un passé récent tout autre que la réalité, à laquelle appartiendraient évidemment mes précautions.

Il n'y a pas vraiment autre chose à dire. C'est frustrant et très triste. Les bouquins et les spécialistes ont beau dire qu'il faut lui changer les idées ou lui faire accroire qu'on la croit, mais quand ma grand-mère a une idée dans la tête, elle ne l'a pas dans les pieds (ça toujours été son caractère, bien avant sa maladie) et il est plutôt difficile de lui faire accroire qu'elle a raison dans ma situation.

Heureusement, moi, j'ai de quoi me changer les idées et les gens autour de moi connaissent la situation de ma grand-mère, donc croient en mon innocence, si je peux dire.

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